🏚️ Mérule : vice caché, mais pas sans recours !
- elodiecheikh
- 30 mai
- 3 min de lecture

La Cour d’appel de Caen a pu rappelé que la présence de mérule dans un bien immobilier peut constituer un vice caché, tout en soulignant le rôle central de l’expertise judiciaire dans l’administration de la preuve.
Le contentieux relatif à la mérule ne faiblit pas, tant ce champignon lignivore, invisible à l’œil nu et destructeur, engendre des conséquences économiques et juridiques importantes pour les acquéreurs et vendeurs de biens immobiliers anciens.
Dans un arrêt rendu le 18 janvier 2022 (CA Caen, n° 20/00187), la cour d’appel a reconnu l’existence d’un vice caché affectant une maison infestée par la mérule, tout en rappelant la nécessité d’une expertise judiciaire rigoureuse pour établir l'antériorité du vice, son caractère caché et la mauvaise foi du vendeur.
Une infestation découverte postérieurement à la vente
Les faits sont classiques. Des acquéreurs signent l’achat d’une maison ancienne située à Chênedollé (Calvados). Quelques mois après leur installation, des travaux de rénovation révèlent une infestation sévère par la mérule.
Face à l’ampleur des dégâts, ils sollicitent en référé la désignation d’un expert judiciaire, lequel confirmera que :
La mérule était déjà présente avant la vente ;
Elle évoluait dans des zones inaccessibles sans démontage (plinthes, lambris, doublages) ;
Elle rendait le bien impropre à sa destination, nécessitant de lourdes reprises structurelles.
Le caractère caché du vice confirmé
La cour rappelle que, pour bénéficier de la garantie prévue à l’article 1641 du Code civil, l’acheteur doit prouver que :
Le vice est antérieur à la vente ;
Il est grave, au point de rendre le bien impropre à sa destination ;
Et surtout : qu’il ne pouvait être décelé par un acheteur normalement attentif, non professionnel.
Les magistrats soulignent ici que :
« L’infestation était dissimulée derrière des ouvrages intérieurs, et ne pouvait être constatée sans opérations destructives, ce qui satisfait à l’exigence d’invisibilité du vice. »
Le caractère caché est apprécié in concreto, au regard des compétences de l’acquéreur et des conditions de la vente. En l’espèce, aucun indice ne permettait de suspecter la présence du champignon.
Une clause de non-garantie neutralisée pour dol
Les vendeurs opposaient une clause d’exclusion de garantie des vices cachés. Or, il ressort du rapport d’expertise qu’ils avaient eux-mêmes réalisé des travaux de doublage dans les années 1988-1989, précisément dans les zones touchées.
La Cour considère dès lors qu’ils ne pouvaient ignorer la présence du champignon, et que leur silence s’apparente à une réticence dolosive, justifiant l’inopposabilité de la clause.
Conformément à la jurisprudence (Cass. 3e civ., 8 déc. 1993, n° 91-15.653), une clause de non-garantie est inopérante lorsque le vendeur a connaissance du vice et le dissimule.
L’expertise judiciaire : un pivot stratégique
Cette décision confirme que, face à un vice technique et insidieux tel que la mérule, l’expertise judiciaire constitue un préalable quasi incontournable :
Elle permet d'établir l'ancienneté du vice, son étendue et son caractère caché ;
Elle sert de fondement à l’analyse de la mauvaise foi éventuelle du vendeur ;
Elle fixe le coût des réparations et le quantum de l’indemnisation.
Sans cette mesure, l’acheteur aurait difficilement pu apporter la preuve du vice au sens de l’article 1641.
En conclusion
Cette affaire rappelle que :
La mérule peut être considérée comme un vice caché, même en l’absence de manifestations visibles lors de la vente ;
L’expertise judiciaire est un outil essentiel à l’administration de la preuve ;
Une clause d’exclusion de garantie peut être écartée en présence d’une dissimulation avérée du vendeur.
Ce contentieux illustre la complexité croissante des litiges immobiliers liés aux pathologies du bâti, et la nécessité, pour les praticiens, de s’entourer d’experts dès les premières étapes du différend.
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