Une récente décision judiciaire a confirmé l’existence d’une servitude couvrant les canalisations d’eaux pluviales, usées et d’arrivée d’eau.
Le tribunal s’est appuyé sur un acte notarié pour établir les droits des bénéficiaires, tout en écartant les arguments de la partie demanderesse, qui invoquait des restrictions inexistantes dans le titre.
Cette décision met en lumière l’importance des actes notariés et des preuves d’usage historique dans la sécurisation des droits de servitude.
Contexte et litige
La partie demanderesse contestait l’existence d’une servitude d'écoulement d'eau sur son fonds et donc la présence de canalisations enterrées.
Selon elle :
Son titre de propriété ne mentionnait qu’une servitude découlement des eaux naturelles exclusivement, limitée par la topographie des lieux.
La présence de canalisations allait au-delà de ce qui pouvait être compris comme une simple servitude d’écoulement d'eau et ne pouvait être imposée sans un titre explicite.
Les défendeurs, mes clients, soutenaient au contraire que :
Le titre notarié établissait clairement une servitude d’écoulement d’eau, sans restriction quant au type d’eau concerné (pluviale, usée, ou arrivée d’eau).
Les canalisations étaient conformes aux usages historiques des fonds concernés et à la volonté des parties lors de la création de la servitude.
Constats et interprétation du tribunal
L’importance du titre notarié. Le tribunal s’est appuyé sur les actes notariés de l'une et l'autre des parties pour trancher la question.
Extrait de la décision : « L’acte notarié établit que “la servitude de passage existant au profit des maisons […] sera maintenue ainsi que l’écoulement d’eau”. »
Cette mention, bien que succincte, a été jugée suffisante pour établir une servitude couvrant les besoins ordinaires des fonds dominants, y compris les canalisations nécessaires.
Interprétation en l’absence de restrictions. Le tribunal a rappelé que les titres notariés doivent être interprétés strictement, mais que leur imprécision ne peut être utilisée pour limiter les droits établis.
Extrait de la décision : « En l’absence d’exclusion expresse dans le titre, la servitude doit être comprise comme englobant tous les écoulements nécessaires. »
Exclusion des dispositions générales du Code civil. La demanderesse invoquait l’article 640 du Code civil pour limiter l’écoulement aux eaux naturelles, argument rejeté par le tribunal.
Extrait de la décision : "En effet, outre le fait que ce n'est pas expressément précisé dans le titre établissant cette servitude, les dispositions de l'article 640 du code civil citées par la demanderesse n'ont vocation à s'appliquer que dans le cadre de servitudes qui dérivent de la situation naturelle des lieux, sans que la main de l'homme y ait contribué, en cas de présence de fonds inférieurs et de fonds plus élevés. Or, la demanderesse ne rapportent pas la preuve que les parcelles litigieuses présentent une telle disposition(...)"
"Contrairement à ce qu'allègue la demanderesse, cette servitude ne doit pas être analysée comme une servitude d’écoulement des eaux naturelles exclusivement. »
Validation des preuves historiques. Des attestations produites par mes clients ont confirmé que les canalisations étaient en place depuis plusieurs décennies, corroborant l’intention des parties initiales et les usages historiques.
Extrait de la décision : « Il résulte des attestations que ces canalisations existent depuis au moins 1979, ce qui démontre leur intégration dans la servitude. »
Fondements juridiques retenus
Article 691 du Code civil : Le tribunal a rappelé que les servitudes continues et non apparentes, telles que celles relatives aux canalisations enterrées, ne peuvent être établies que par titre.
Ici, l’acte notarié constitue ce titre et a été jugé suffisant pour valider la servitude.
Extrait de la décision : "Enfin, force est de constater que le titre doit être interprété strictement, et qu'en ne prévoyant aucune exclusion particulière, la servitude doit s'entendre comme celle concernant tous les écoulements d'eau possibles."
Interprétation stricte des titres : En l’absence de mention explicite d’une restriction, une servitude doit être interprétée de manière à inclure les usages raisonnables et nécessaires au fonds dominant.
Article 640 du Code civil (inapplicable) :Cette disposition, qui limite l’écoulement naturel des eaux aux fonds inférieurs en raison de leur topographie, n’est pas pertinente dans un contexte de servitude conventionnelle.
Conclusion du tribunal et implications pratiques
Le tribunal a jugé que :
La servitude d’écoulement d’eau mentionnée dans l’acte notarié couvre bien les canalisations d’eaux pluviales, usées et d’arrivée d’eau.
La demanderesse est déboutée de ses prétentions visant à limiter cette servitude ou à exiger le retrait des canalisations.
Extrait de la décision : « Les défendeurs rapportent la preuve de l’existence d’une servitude d’écoulement des eaux pluviales, usées et d’entrée d’eau par titre. »
Tribunal judiciaire de LILLE, 2ème chambre, 3 décembre 2024, RG 22/07152
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